Pour ce 8 mars 2009, journée annuelle des droits la femme, je n’ai pas choisi de m’exprimer car je n’arrive pas à trouver les mots à ce sujet. A la place j’ai choisi d’inviter une blogueuse féministe à venir prendre la parole pour s’exprimer sur le sujet ambigu de la journée des femmes et du féminisme. Attention, elle n’est pas venue pour hurler au machisme national et réclamer la suprématie féminine, elle a juste saisi sa plume pour répondre à ma question maladroite de “qu’est ce qu’être une femme le jour de la journée mondiale de la femme, quand on se sent directement concernée par le sujet”
Je vous laisse donc le texte d’Alice qui a la justesse d’être sans prosélytisme, ni nihilisme.
8 mars 2009. Comme chaque année à cette date, le monde entier célèbrera la Journée Internationale de lutte pour les Droits des Femmes. Tout le monde en entend parler mais qu’est-ce que cette journée en réalité ? Qu’est-ce que d’être une femme la journée du 8 mars ? C’est en revenant d’une réunion de préparation à la manifestation annuelle (qui a lieu le 7 mars et non pas le 8 pour raison stratégique) que j’ai reçu l’invitation de Mlle Gima à m’exprimer ici.
Je n’ai pas la prétention de parler au nom de toutes les femmes. Je vais donc vous faire partager ce que je ressens en cette journée en tant que femme, être humaine et féministe engagée.
C’est un sentiment très ambigu qui m’étreint car je suis à la fois agacée et ravie de cette journée.
Agacée parce que je me dis que si il y a une Journée Internationale de lutte pour les Droits des Femmes c’est parce que les droits des femmes ne sont pas encore une évidence. Sinon pourquoi une journée pour les défendre ? En effet, si l’égalité est bel et bien inscrite dans nos textes juridiques et politiques, la réalité est pourtant édifiante : 4 millions de femmes et de fillettes vendues chaque année dans le monde, 2 millions de fillettes excisées chaque année, 2 millions de femmes régulièrement battues par leur conjoint dans notre douce France (combien le sont occasionnellement ?), 50.000 viols par an, 80% des tâches domestiques effectuées par les femmes. Et ce ne sont que quelques exemples car la liste des violences et des discriminations est longue !
Et puis 1 journée qu’est-ce que cela représente sur 365 jours par an ? Une journée pour se donner bonne conscience et basta ! On est tranquille jusqu’à l’année prochaine.
Mais plus que tout, c’est le détournement de cette journée de lutte pour des droits en simple “fête de la femme” qui m’afflige. A chaque “Bonne fête” qui m’est adressé, souvent en toute bonne foi, je pense à la femme qui est morte hier et à celle qui mourra demain sous les coups de son conjoint. Une victime tous les 2 jours en France. Est-ce à fêter ? Je pense à ce que la petite indienne noyée à la naissance parce que la famille ne veut que des garçons peut bien en faire de ce « bonne fête » ; je pense à la fille d’un groupe de parole terrorisée à l’idée de porter plainte contre un viol ; je pense à cette petite roumaine de 11 ans, enceinte après un viol incestueux et dont le pays refusait l’avortement ; je pense à Nojoud Ali qui du haut de ses 10 ans a osé demander le divorce, je pense aux « Salopes ! » précédés ou suivis de sifflements qu’on nous lance à tout va en pleine rue parce que nous avons l’audace de sortir seule. C’est cela que l’on veut fêter ? Vraiment ?
C’est pourquoi je suis aussi ravie de cette journée parce qu’elle nous permet de prendre la parole, nous les femmes mais aussi les hommes. Car le féminisme est l’affaire de toutes et tous. C’est donc à nous d’en parler, de dénoncer le machisme sous tous ses aspects et de faire de cette journée une journée d’information et de sensibilisation en réhabilitant le terme de “féminisme”. Peu de personne en connait le sens exact. Le féminisme n’est en aucun cas une lutte pour la domination des femmes sur les hommes. C’est un combat pour l’égalité des sexes. Je parle d’ailleurs souvent d’”anti-sexisme” pour synonyme de “féminisme”.
Alors oui, cette année aussi j’irai manifester pour dénoncer le machisme. Et j’espère pouvoir discuter avec quelques personnes, celles et ceux qui nous répliquent que nous ne sommes pas en Afghanistan, leur expliquer ce qu’est le féminisme et que c’est une lutte de chaque jour pour un monde plus humain et plus juste. Je voudrais d’ailleurs terminer avec la célèbre phrase de Benoîte Groult : “Le féminisme est un mouvement pacifique qui n’a jamais tué personne tandis que le machisme tue tous les jours.”
Vous pouvez retrouvez alice sur son blog, Aliceswonderverden: http://aliceswonderverden.blogspot.com/